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Peter Copping nommé directeur artistique de Lanvin

Sera-t-il à la hauteur du poste ? Ce 27 juin, Lanvin a annoncé la nomination de Peter Copping en tant que directeur artistique. A lui de redonner à la plus ancienne maison de couture française encore en activité le lustre de ses débuts. Une mission difficile, mais pas impossible.
Difficile parce que, depuis le départ houleux d’Alber Elbaz, en 2015, la marque n’a jamais retrouvé de cap : Bouchra Jarrar, Olivier Lapidus, puis Bruno Sialelli se sont relayés à la direction artistique, avec plus ou moins de succès, mais jamais assez longtemps ou de manière assez convaincante pour reconnecter la griffe avec son époque. En plus d’une ligne esthétique confuse, Lanvin a souffert d’un management erratique, de difficultés de trésorerie, d’un changement de propriétaire. « La renaissance est urgente et vitale », admettait, en janvier, dans « M le magazine du Monde », Siddhartha Shukla, nommé directeur général délégué, fin 2021, par le groupe chinois Lanvin Group (ex-Fosun), qui a racheté la marque en 2018 après son dépôt de bilan.
Lanvin traverse une crise sévère depuis dix ans, mais possède tout de même de solides atouts sur lesquels Peter Copping pourra s’appuyer, à commencer par une histoire très riche. La griffe a été fondée en 1889 par Jeanne Lanvin, une modiste d’origine modeste qui parvint à intégrer le cercle très fermé des maisons de couture avec son esthétique très identifiable, un classicisme à la française oscillant entre les références XVIIIe et Art déco.
Inspirée par la naissance de sa fille, la fondatrice a l’idée de lancer un département « jeune fille » dès 1909, puis part à l’assaut de la mode masculine dans les années 1920, époque à laquelle elle lance également le parfum Arpège, toujours commercialisé. La maison a la chance de posséder des archives documentant ce travail : croquis et broderies ont été conservés depuis 1910. Même le bureau de Jeanne Lanvin, rue du Faubourg-Saint-Honoré, a été conservé tel quel.
Pour rebondir sur cet héritage, Lanvin a donc choisi Peter Copping, un Britannique né en 1966, diplômé de Central Saint Martins et du Royal College of Art à Londres. Il a commencé sa carrière chez Sonia Rykiel avant de passer plus d’une décennie chez Louis Vuitton en tant que responsable du prêt-à-porter féminin, aux côtés de Marc Jacobs. Il a ensuite été nommé directeur créatif de Nina Ricci, à Paris, puis a été choisi par Oscar de la Renta en 2014 pour lui succéder à la tête de la marque new-yorkaise qui porte son nom. Plus récemment, Peter Copping a dirigé la haute couture chez Balenciaga, supervisant les ateliers lors de la réintroduction des collections couture de la maison.
Ces derniers temps, les marques de mode ont eu tendance à faire des choix plutôt radicaux en matière de direction artistique, entre celles qui ont misé sur des inconnus qui n’avaient pas encore fait leurs preuves (Sean McGirr chez McQueen, Sabato de Sarno chez Gucci) et celles qui ont compté sur la célébrité et l’aura d’un designer (Alessandro Michele chez Valentino). Peter Copping n’appartient à aucune de ces deux catégories : ce technicien expérimenté, sachant concevoir des vêtements et ayant travaillé en Europe et aux Etats-Unis, représente une option raisonnable.
« Un designer doit savoir faire une veste, construire un bustier, comprendre un cuir, un chaussant, la finition d’une couture, la qualité d’un boutonnage. Draper, patronner, dessiner sont des qualités indispensables pour faire du luxe avec une certaine éthique », affirmait Siddhartha Shukla dans « M le magazine du Monde ». Grâce à Peter Copping, le directeur général délégué espère renouer avec l’élégance, le « chic ultime » qui caractérisait Lanvin. Depuis 2021, il a déjà amorcé le repositionnement de la griffe par une rénovation du site Internet, de la charte graphique et de quelques boutiques.
Dans cette industrie du luxe très concurrentielle, plombée par la crise économique chinoise et un climat géopolitique tendu, Peter Copping ne bénéficie pas d’un contexte facile. Pour qu’il puisse mener à bien son projet, il faudra aussi que Lanvin Group lui donne les moyens de ses ambitions et investisse massivement dans les collections, la communication, le développement des boutiques… Aujourd’hui, Lanvin est une marque plus petite que beaucoup de ses concurrentes, avec seulement une trentaine de magasins dans le monde (contre plus de trois cents pour Chanel).
« Jeanne Lanvin était une visionnaire, dont les passions et centres d’intérêt, comme les miens, allaient bien au-delà de la mode », a déclaré Peter Copping dans le communiqué de presse annonçant sa nomination. Il rejoindra les bureaux de Lanvin en septembre, et devrait, selon toute logique, présenter sa première collection en 2025.
Elvire von Bardeleben
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